Des Mondes Imaginaires

Il était une fois, un village peuplé de fées... Vous savez bien... ces petits êtres aux ailes magiques, à la petitesse de corps mais à la grandeur d esprit incomparable.

En ce village, comme dans tout village, grouillait une foule aux sentiments et aux émotions variés.

Les sentiments, les émotions.

Justement Alana, petite fée de couleur bleutée, méditait à ce sujet. Depuis son plus jeune âge, elle se plaisait à observer ses pairs, à deviner les émotions qu'ils ressentaient en lisant sur leur visage les expressions qu'ils arboraient. C'était un petit jeu auquel elle excellait. A tel point qu'il semblât qu'elle lisait dans les pensées. Ses semblables avaient parfois tendance à fuir la petite fée tant ils ne supportaient pas de se sentir mis à nu ainsi.

Alana en était donc à sa énième analyse lorsque passa une fée, au regard vide, au sourire effacé, à la démarche sans vie. Cette dernière semblait porter le poids du monde sur ses épaules. Elle paraissait perdue dans ses pensées, des pensées sombres et profondes.

Curieuse de comprendre ce qui pouvait mettre cette fée au regard noisette dans cet état, Alana s'approcha et observa. Mais rien. Elle ne parvenait pas à comprendre les émotions ressenties par cette fée à l'attitude neutre. Si neutre qu'elle en devenait même banale. Banale aux yeux de toutes les fées du village. Mais extraordinaire aux yeux d'Alana.

Surgit alors un féetaud, l'équivalent masculin de la fée. Il était un peu plus grand que la fée à l'attitude neutre. Ses cheveux longs, bouclés retombaient sur ses épaules. Sous ses vêtements laissait transparaître une musculature impressionnante. Mais cela, cela n'était que pure description physique. Une seule chose suffit alors. Un regard. Deux paires d'yeux liées l'une à l'autre par un lien unique et chargé d'intensité. Un regard empli d'une connaissance de l'autre bien au delà de l'imaginable. Et Alana put reprendre le cours de son analyse.

Elle ne chercha pas à lire dans les expressions du féetaud tant les sentiments bienveillants abondaient. Mais elle analysa celle de la fée au regard neutre. Ses yeux révèlèrent alors des émotions profondes.

Bienveillant. Rassurant. Protecteur. Chevalier ou samouraï, simple féetaud ou idéal d'une utopie trop longtemps rêvée, tu as fait naître en moi un sentiment bien plus profond que ce que l'on nomme "amitié" ou "amour".  Un sentiment encore inconnu, non découvert à ce jour par les Fées. Un sentiment indescriptible qui envahit votre être au plus profond de son âme, qui fait vibrer le corps de mille et une façons, qui fait accélèrer les frêles battements de coeur d'une fée.Sans toi, je ne suis que le reflet de moi-même mais à tes côtés tout sentiment négatif disparaît. Tu apaises ainsi cette oppression en moi nommée angoisse, cette crainte nommée peur, tu m'émerveilles par tes mots emplis de respect et la poésie de ton âme et de ton langage envahissent mon être qui frémit à ton contact. Ce sentiment, cette émotion profonde, mêlant deux êtres comme jamais, nul ne le ressentit autant depuis que le monde est.

Alana comprit ce jour là que les émotions ne pouvaient être analysées aussi facilement qu'en les nommant colère, peine, amour, tristesse, joie... car au delà des mots, au delà du ressenti, se cache un être avec un vécu que même Alana ne peut connaître. Un visage et un regard traduisent une émotion mais ne traduisent pas le ressenti de la personne, ni son vécu. Chaque émotion, chaque vécu est propre à chacun. Les Fées catégorisent par un mot une émotion, mais bien trop souvent on oublie ce qui englobe et sous entend ce mot. Chaque fée est unique.

Ce jour là, et uniquement ce jour là, Alana put pénétrer dans l'esprit de cette fée au regard neutre pour en découvrir les profondeurs de son âme. Sans doute voulait-on lui faire comprendre qu'à force de trop analyser les autres, on finit par ne plus se comprendre soi-même. L'introspection est la clé du développement personnel et la seule analyse possible reste celle de sa propre conscience...