Des Mondes Imaginaires

Des Mondes Imaginaires

AT pour Val Sombre Editions novembre 2011 : thème : Ils ne devaient pas s'aimer

Ce texte a été retenu par 
Lecture Academy...
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Merci aux votants, et à Lecture Academy pour avoir mis en place ce concours de nouvelles Black Moon! Je suis ravie que ce petit texte fasse son petit bonhomme de chemin!

 

 

 

Faits, effets, et fées dans mon jardin

 

J’avais très mal dormi ce jour-là. Mon couchage manquait encore de feuilles et autres brindilles. Heureusement, le soleil était au rendez-vous !

 

-          Geoffrey !!! Où as-tu mis mes pinces à linge ?

 

-          Sur le séchoir parapluie dehors !

 

-          Tu es sûr ? Il n’y a rien !

 

Et voilà ! Ça recommençait ! J’avais intérêt à attraper cette chipie d’Eglantine. Elle continuait ses bêtises. Si elle poursuivait comme ça, c’en serait fini de notre petit monde tranquille. Mais d’abord, j’avais besoin de prendre un bon bain. Cette bassine remplie d’eau ferait l’affaire.

 

Direction, la bassine… Polly l’abeille, toujours dans mon sillage celle-là ! J’esquivais l’arrosage automatique et hop !me voilà les pattes dans l’eau ! Vraiment agréable toute cette fraîcheur. Le soleil tapait déjà fort et il n’était pourtant que huit heures du matin !

 

Eglantine avait pour habitude de jouer près du bassin au fond du jardin des Humains. Si j’arrivais à l’attraper, je la ramènerai chez ses parents pour une petite conversation.

 

Voler dans le coin devenait de plus en plus ardu ! Entre les abeilles, les libellules du bassin, les mouches et autres… tout ce monde… on se croirait à un concert des cigales Band en plein mois de juillet. Je l’apercevais enfin. Encore en train d’en faire voir de toutes les couleurs à ce pauvre Herbert ! Elle le prenait encore pour un cheval ! Elle allait finir par lui arracher les cornes à force de tirer dessus !

 

-          Hé ! Looping ! Quel bon vent t’amène ?

 

Je détestais quand cette petite peste m’appelait Looping. Si elle pensait que je passais mes journées à tournoyer dans les airs, elle se trompait. A l’heure actuelle,  je devrais chercher des vers à grignoter au lieu de tenter de débusquer cette chipie.

 

-          Eglantine ! je te ramène chez tes parents. Une petite discussion s’impose !

 

Je voyais bien à son air qu’elle connaissait les raisons de ma venue. Un léger sourire en coin, un froissement de nez, il ne m’en fallait pas plus pour comprendre qu’elle venait de faire une bêtise.

 

-          Je n’ai rien fait de mal. Laisse-moi jouer avec Herbert ! C’était juste une blague ! Ces Humains méritent une bonne leçon ! Hier, ils ont attaché leur chien dehors toute la journée. Ils ont même oublié de lui donner à boire !

 

-          Ce que font les Humains ne nous regardent pas ! Si tu continues d’interférer dans leur quotidien, ils se rendront vite compte de votre existence ! Et là, finie la tranquillité ! Pour vous, comme pour nous !

 

J’avais plutôt intérêt à attraper cette filousse avant qu’elle ne déploie ses ailes pour se sauver. Hop ! Un coup de bec délicatement placé sur le col de sa robe et direction l’arbre aux fées ! Eglantine hurlait à tout va mais rien ne me fit plus plaisir que d’entendre Herbert pousser un soupir de soulagement. Dès qu’Eglantine s’installait sur sa coquille, Herbert savait qu’il en avait pour la journée. Elle lui tirait les cornes comme un humain tire sur les rênes d’un cheval. Et dire qu’elle voulait donner une leçon de morale aux Humains ! Alors qu’elle tyrannisait ce pauvre escargot sans défense !

 

Nous y étions. L’arbre aux fées. Le plus grand, le plus ancien des arbres du jardin. Un saule pleureur. Ses branches tombaient jusqu’au sol et ondulaient sous l’effet du vent. Pour pénétrer au cœur de l’arbre aux fées, il fallait atteindre son sommet. Son tronc accueillait une petite cavité ne permettant qu’aux fées d’y pénétrer. Je m’installai sur la branche la plus proche de l’entrée et poussai un piaillement afin d’alerter les parents d’Eglantine de ma présence.

 

-          Bonjour Flora. Avelano mes respects. Je vous ramène Eglantine. Elle a encore fait des siennes.

 

-          Elle recommence à jouer de vilains tours aux Humains ?! Eglantine…

 

Le ton d’Avelano trahissait son désespoir. La dernière bourde de sa fille avait failli coûter le secret de leur espèce. Elle s’était amusée à réveiller Laura, la femme de Geoffrey, en lui chatouillant le nez lors de sa sieste quotidienne sous le vieux chêne du jardin. Plus grave que de cacher deux ou trois pinces à linge pour les faire tourner bourrique. Avelano et Flora envoyèrent Eglantine dans sa chambre en guise de punition.

 

Le lendemain matin, un bruit effrayant retentit. Tout le jardin fut réveillé en trombe. Le son du malheur.

 

Une tronçonneuse

 

Geoffrey avait tracé une ligne rouge à la bombe de peinture sur le tronc à abattre. Celui de l’arbre aux fées. Avelano fut réveillé par surprise. Pris de panique, je le vis emmener toute sa famille sur le vieux chêne, là où Madame prenait ses temps de repos. Sa maison allait être détruite et je lus dans son regard tout le désespoir de quelqu’un qui était en train de tout perdre : maison, biens, et plus encore : le seul endroit où il se sentait en sécurité.

 

Chaque fée met des années avant de trouver le bon endroit où construire son petit nid douillet. Lorsqu’une fée s’installe, c’est pour toute sa vie.

 

D’où l’importance de trouver l’endroit idéal. Il fallait stopper ce massacre. Mais comment ?

 

-          Geoffreyyyyy !!! Viens ici tout de suite ! Où sont passées mes lunettes ? Je ne les trouve pas !

 

Pour une fois, les bêtises d’Eglantine arrangeaient tout le monde. J’entendis un murmure général s’élever du jardin.

 

-          Il faut agir ! , hurla Polly

 

-          Détruisons cet instrument de torture !, gloussa Herbert

 

Avelano me regarda et je compris ce qu’il allait faire. Il virevolta - direction l’objet de malheur - et agita ses ailes. Les fées avaient le potentiel de réaliser leurs souhaits en arrosant quelqu’un ou quelque chose de la poudre créée par leurs ailes. Hop ! Et voilà ! La tronçonneuse ne marcherait pas de sitôt ! Dans un sens, je ne pouvais qu’acquiescer face à l’urgence de la situation. Avelano avait usé de son pouvoir sans risquer la sauvegarde de notre monde. Après tout, cet objet métallique pouvait tomber en panne.

 

J’entendis Geoffrey ronchonner en revenant vers sa tronçonneuse.

 

-          Flûte ! Déjà en panne ! Et les magasins sont fermés ! Quelle poisse !

 

Soulagement général. Tout au moins jusqu’à demain. Tout le monde se réunit dans la soirée au fond du jardin, à l’abri des regards humains. Nous étions parvenus à la conclusion qu’il fallait sauvegarder le saule pleureur.

 

-          Il faut pénétrer chez les humains et user de notre poudre pour les convaincre de ne pas abattre notre arbre. Il va nous falloir un plan. La nuit porte conseil. Retrouvons nous au même endroit demain soir pour réunir nos idées puis nous passerons à l’action, expliqua Avelano.

 

Certes la nuit portait conseil. Mais il fallait espérer que les Humains ne trouveraient pas de tronçonneuse d’ici demain. Heureusement pour nous, le dimanche, les magasins étaient rarement ouverts.

 

Minuit. Rien à faire. Je n’arrivais pas à trouver le sommeil. Tout le jardin dormait sauf moi. Sauf… Eglantine ?! Mais … que faisait cette chipie en pleine nuit ? Qui plus est, près de la porte d’entrée de la maison des Humains ! Mais… non ! Elle… elle entrait chez eux par la chatière ! Pas le temps d’aller chercher ses parents, il était trop tard. Hop, à la fenêtre !

 

Eglantine avait pénétré dans la maison. Elle semblait craintive mais excitée. Elle virevoltait d’une pièce à l’autre. Cette filousse s’était même posée devant un immense miroir afin d’y faire ses plus belles grimaces. Je tentais de l’appeler en piaillant mais elle n’entendait rien. Un coup de bec sur le carreau aurait réveillé les humains ou pire Roxy. Je ne voulais pas lui attirer plus d’ennuis qu’elle n’en avait. Ses parents, si elle s’en sortait, la consigneraient dans sa chambre jusqu’à la fin de ses jours !

 

Elle poursuivit son chemin vers les escaliers. Je me postais devant la fenêtre de la chambre des Humains pour observer Eglantine. Cette dernière s’était enfin aperçue de ma présence. Elle me fit signe de la main. Je lui lançais un regard furieux et n’eus comme réponse qu’un battement de cils et un sourire malicieux. Eglantine s’approcha des Humains. Ils dormaient à poings fermés. J’entendis même Geoffrey ronfler à s’en décrocher la mâchoire. Eglantine fit ce qu’elle avait à faire. Elle agita délicatement ses ailes au-dessus des visages humains.

 

C’est à ce moment- là que la situation dérapa.

 

Geoffrey commença à renifler. Il était sur le point d’éternuer. Eglantine s’approcha et posa ses petites mains sur le nez du géant. Ouf ! Geoffrey n’éternua pas. Il ronflait à nouveau de plus belle.

 

Eglantine poussa un soupir de soulagement. Elle me regarda avec un large sourire de satisfaction. Elle avait réussi. Elle avait ancré dans l’esprit des humains la protection de sa maison. Au moment où elle se retournait pour atteindre la porte de la chambre, une énorme ombre plongea sur elle. Elle eut le temps d’esquiver l’attaquant et sous l’effet de la surprise, elle fut propulsée au sol. L’ombre rousse, ayant manqué sa cible, vola contre le mur et vint s’écraser, dans un feulement féroce, sur le visage des Humains. Roxy, le chat du couple, allait devoir rendre des comptes ! Geoffrey se réveilla, le visage griffé. Il était furieux !

 

-          Roxy ! Imbécile de chat ! Va chasser les souris au lieu de faire des bêtises !

 

Geoffrey l’attrapa et le mit dans le couloir avant de refermer la porte dans un fracas. Il était en sueur. Il faut dire, en plein mois de juillet la chambre devait être une vraie fournaise. Il ouvrit la fenêtre et prit peur en me voyant perché sur la gouttière.

 

-          Ils se sont tous donnés le mot cette nuit ! C’est pas possible ! Je veux dormir !

 

Sur ces paroles, il retourna se coucher. Eglantine, qui était en train de reprendre ses esprits, attendit les ronflements des Humains avant de se sauver par l’ouverture providentielle. Elle était encore un peu sonnée.  Je proposais mon plumage comme refuge et la conduisis chez elle.

 

Une réunion improvisée eut lieu. Tous avaient été conviés et saluèrent le courage d’Eglantine. Elle avait sauvé sa maison et notre petit monde restait préservé. Les Humains abandonnèrent toute idée néfaste au bon fonctionnement de notre monde et s’intéressèrent à la sauvegarde des arbres, plantes, arbustes, petit étang… Mais Eglantine ne s’était pas arrêtée là. Cette chipie avait inséré dans l’esprit des Humains que la tronçonneuse était un être maléfique. Pris de panique, ils l’envoyèrent à la décharge dès leur réveil par l’un de leurs voisins. Ce dernier s’était demandé quelle mouche les avait piqués pour être autant terrorisés par une tronçonneuse. Eglantine éclata de rire lorsque Geoffrey lui expliqua que leur tronçonneuse avait essayé de les dévorer cette nuit. Le voisin, lui, ne rit pas et se sauva avec l’objet – de toute façon en panne - en se disant que ses pauvres voisins étaient devenus complètement fous !

 

De toute cette histoire, Je tirai une conclusion :

 

Qu’ils ne devaient pas s’aimer.

 

C’était ainsi. Fée ne pouvait rimer avec Humanité.



13/03/2013
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